En bref
Cette grande maison à l’est du bourg pourrait être, en 1685, celle du gouverneur René Gaultier de Varennes. C’est cette année que naît son treizième et dernier enfant : Pierre, qui deviendra plus tard le célèbre Sieur de Lavérendrye, celui-là même qui a exploré l’Ouest avec ses fils. Avec tant de bouches à nourrir, pas étonnant que l’on retrouve un si grand jardin à l’arrière… Mais au fait, que mangeaient nos ancêtres au début de la Nouvelle-France?
Pour en savoir plus
Quand on change de pays, on emporte aussi dans ses bagages les habitudes ainsi que les façons de faire de la mère patrie. Avec le temps, on intègre de nouveaux modes de fonctionnement et des techniques adaptés au climat et aux conditions de vie. Ainsi, en 1685, dans le bourg trifluvien, on voit que les jardins sont encore inspirés de la tradition française : les formes sont régulières, carrées ou rectangulaires et l’ensemble est symétrique. C’est probablement madame Gaultier de Varennes qui a décidé des proportions de poireaux, de choux, de concombres, de laitues, d’oignons rouges ou jaunes qu’on allait planter cette année. Navets, carottes et panais se conserveront bien tout l’hiver grâce à la technique d’enfouissement apprise des Amérindiens. Leurs citrouilles et leurs courges, peu connues en France, trouvent maintenant leur place tout naturellement dans le jardin. Mais pas les pommes de terre et les tomates!
Madame n’a sûrement pas oublié de planter des légumineuses avec lesquelles on fait la soupe ainsi que la bouillie pour les porcs : pois verts, pois blancs, pois chiches, fèves, haricots. On ne sera pas étonné d’y retrouver également quelques plantes médicinales comme la bourrache, la menthe, la livèche et l’hysope officinale qui éloignent aussi les insectes.
Cet été, les enfants de Varennes vont aller cueillir des petits fruits aux alentours. Ils sont particulièrement abondants en Nouvelle-France : fraises, framboises, bleuets, gadelles, cenelles, merises, prunes et groseilles sauvages. Saupoudrés d’un peu de sucre d’érable, le « sucre du pays »…un régal peu dispendieux!
La soupe aux légumes ainsi que le pot-au-feu (ou bouilli) longuement mijotés dans l’âtre, accompagnés de pain trempé dans le bouillon, ont été vraisemblablement les mets les plus courants sur les tables où l’on servait la nourriture dans des assiettes individuelles. On a d’abord utilisé la cuiller seulement puis l’usage de la fourchette s’est répandu. Les gens avaient l’habitude d’utiliser leur propre couteau qu’ils portaient toujours sur eux, dans une poche de leur pantalon ou de leur robe…
Et pour boire? Beaucoup d’eau, du vin et de l’eau-de-vie importés, du « bouillon » mais très peu de bière. Il faut attendre le 18e siècle pour voir apparaître chez les habitants, les notables et même les soldats, la bière d’épinette, typique à la Nouvelle-France.
Enfin, la table du gouverneur, tout comme celle des habitants, devait régulièrement s’enrichir de petit gibier à plumes au printemps et à l’automne. Quelques huîtres peut-être aussi puisqu’on en a retrouvé des traces lors de fouilles archéologiques sur la Place d’Armes en 2007. Le poisson y revenait forcément très souvent avec les cent cinquante jours d’abstinence et de jeûne préconisés par l’Église. Saumon, esturgeon, corégone, doré, poulamon et anguille trouvaient preneurs…
Bref, à Trois-Rivières comme ailleurs, on mange bien en Nouvelle-France en 1685.